Optimiser sa demande d’Autorisation REACH par la création d’un consortium sectoriel

June 28, 2016

1. Prérequis : Autorisation REACH et consortium

 

1.1. La procédure d’Autorisation REACH

 

La procédure d’Autorisation est une des options de gestion du risque chimique à l’échelle européenne prévue par le règlement REACH.

Elle s’applique à des substances identifiées comme « très préoccupantes » et jugées comme présentant un risque élevé pour la santé humaine ou l’environnement :

  • CMR 1A et 1B : carcinogènes, mutagènes & toxiques pour la reproduction
  • PBT : persistantes, bioaccumulables & toxiques
  • vBvP : très persistantes et très bioaccumulables
  • ou de préoccupation équivalente:, ex. perturbateurs endocriniens ou sensibilisants respiratoires

Les substances incluses dans l’annexe XIV du règlement REACH sont soumises à Autorisation et ont ainsi vocation à être interdites d’utilisation sur le territoire européen à court terme (36 à 48 mois après leur inclusion). Une Autorisation au sens de REACH est une dérogation temporaire à cette interdiction pour une substance et pour un usage spécifique. Trois durées de dérogation (« période de révision ») sont généralement considérées : 4, 7 ou 12 ans.

La réalisation d’un dossier de demande d’Autorisation nécessite de caractériser le risque lié à l’utilisation de la substance (Rapport sur la Sécurité Chimique), de présenter de façon détaillée les alternatives potentielles à la substance et la démarche de substitution (Analyse des Alternatives) et enfin de démontrer les bénéfices socio-économiques inhérents à l’utilisation de la substance et justifiant la poursuite de son utilisation (Analyse Socio-Economique).

1.2. Former un consortium pour optimiser les ressources

Dans le cas où plusieurs entreprises ont des utilisations similaires de substances chimiques, comme cela peut être le cas au sein d’un secteur industriel, il existe la possibilité de produire une demande d’Autorisation de façon conjointe, sous forme de consortium. Cette organisation est très intéressante dans la mesure où elle permet de générer des synergies entre chacune des entreprises et ainsi optimiser les ressources et les coûts associés à la production d’un dossier de demande d’Autorisation.

1.3. Les différentes étapes de la constitution d’un dossier d’Autorisation REACH en consortium

La production d’un dossier de demande d’Autorisation via un consortium nécessite entre 9 et 18 mois, généralement avec le déroulé suivant :

schéma autorisation en consortium

 

Une telle démarche présente cependant un ensemble d’enjeux principalement liés au fait que les membres du consortium peuvent être des entreprises concurrentes :

 

  • Dans quel cadre légal engager la démarche ?
  • Comment assurer la confidentialité et la gestion des données ?
  • Quelle organisation du consortium (instances et processus de décision, temps de rencontre, supports et outils, etc.) ?

 

2. Le retour d'expérience d'EcoMundo : 5 conseils pour réussir son dossier de demande d'Autorisation en consortium

 

En raison des enjeux décrits précédemment, la mise en place d’une démarche de demande d’autorisation en consortium nécessite de mettre en place certaines dispositions afin d’assurer à la fois une participation efficace de chaque membre du consortium, mais également de fournir un cadre légal et organisationnel optimal à l’ensemble du projet.

 

Un cadre légal et contractuel est indispensable

cadre contractuel et légal

 L’objectif principal d’une démarche de demande d’autorisation organisée en consortium est d’amener des entités légales distinctes (et potentiellement concurrentes) à échanger des données et à collaborer en vue de construire un dossier commun. En ce sens, l’établissement d’un contrat de consortium constitue un pré-requis à l’engagement de la démarche.

 

Un tel contrat permet notamment d’établir les objectifs communs du consortium, ainsi que les règles de confidentialité et de gestion des données valables pour l’ensemble du projet.

 

 

Il permet par ailleurs de formaliser l’organisation du groupe projet : instances et modes de décision, règles d’entrée ou de sortie de membres du consortium, règles de partage des coûts, etc.

 

 

Le contrat de consortium établit le cadre légal de la démarche, et permet d’assurer une bonne gouvernance au sein du groupe de travail, mais également vis-à-vis des parties prenantes externes et du droit en place (notamment : respect du droit de la concurrence).

 

Le contrat de consortium constitue le cadre de travail indispensable à la collaboration d’entreprises distinctes pour la production d’un dossier de demande d’Autorisation.

La confidentialité des données comme un élément structurant de la démarche : l’importance d’un gestionnaire pour le consortium

Un consortium regroupe des entreprises ayant des utilisations similaires de substances ; celles-ci sont ainsi généralement concurrentes. Afin de permettre la participation efficace de chacun des membres du consortium, il est donc essentiel d’établir dès le lancement du projet des règles concernant la confidentialité des données.

Deux sections du dossier de demande d’autorisation peuvent principalement comporter des éléments sensibles en termes de confidentialité des données : l’Analyse des Alternatives et l’Analyse Socio-Économique.


cadre contractuel et légal

L’objectif de l’analyse des alternatives est de présenter les alternatives envisagées pour la substitution de la substance visée par la procédure d’autorisation. Les travaux de recherche d’alternatives d’une entreprise peuvent ainsi constituer un avantage concurrentiel majeur pour une entreprise concurrente qui serait perdu en cas de divulgation desdits travaux au sein du consortium.

 

L’Analyse Socio-Économique vise notamment à évaluer les impacts du refus d’une autorisation (et donc de l’arrêt de l’utilisation de la substance) pour les entreprises concernées. L’évaluation de ces impacts passe ainsi par la consolidation de données caractérisant finement l’activité économique des entreprises concernées. Ces données n’étant généralement pas publiques, celles-ci peuvent constituer des éléments stratégiques pour les membres du consortium et leur diffusion au sein du consortium peut ainsi être problématique.

 

animateur consortium

Dans ces deux cas, il est nécessaire de définir un animateur du consortium qui joue un rôle primordial : celui-ci permettra d’une part de présenter les enjeux de confidentialité et de proposer une stratégie de travail commune aux membres du consortium, mais pourra également jouer le rôle d’intermédiaire ou de tiers de confiance dans la collecte des données. L’animateur du consortium étant le pivot central de la collecte des données, celui-ci peut garantir la confidentialité des informations au sein du consortium en s’assurant que les données identifiées comme confidentielles ne sont jamais diffusées aux autres membres du groupe de travail. Cette option est primordiale car elle permet de lever les freins liés à la confidentialité des données, et ainsi de garantir le lancement du projet et la collaboration de l’ensemble des participants.

En cas de besoin, la confidentialité des données peut ainsi être garantie tout au long du projet, jusqu’à sa soumission à l’Agence Européenne des Produits Chimiques.

Il est vivement recommandé de définir un gestionnaire pour le consortium qui prend le rôle de chef de projet, d’animateur de la démarche mais également de garant de la confidentialité des données échangées.

La question de la définition de l’usage comme problématique majeure du projet

La définition de l’usage de la substance est centrale dans la production d’une demande d’autorisation. Dans le cadre de la procédure, l’usage est principalement caractérisé par les propriétés fonctionnelles et le niveau de performance attendus de la substance mais également par le niveau d’avancement dans la recherche d’alternatives et la situation de la démarche de substitution. De l’ensemble de ces paramètres découle la durée de la période de révision qui va être demandée.

Dans le contexte d’une démarche sectorielle, il est indispensable d’échanger en amont du projet sur ces paramètres afin d’identifier les synergies ou les divergences entre les usages de chacune des entreprises. La compréhension de la situation de chaque entreprise sur ces critères permettra de définir précisément le périmètre du projet, ainsi que la faisabilité d’une soumission conjointe ou de soumissions individuelles.

La définition des usages constitue une étape clé de la démarche de demande d’Autorisation, définissant à la fois l’envergure du projet en termes de ressources et la stratégie globale du dossier.

L’articulation des différentes instances de décision : niveaux opérationnels et stratégiques

La production d’un dossier de demande d’Autorisation exige d’une part la collecte d’un large spectre de données (description des procédés et caractérisation du risque chimique, présentation des alternatives et du processus de substitution, caractérisation des impacts d’un arrêt de l’utilisation de la substance, etc.) et d’autre part la prise de décisions stratégiques (signature du contrat de consortium, identification de la stratégie générale du dossier, choix d’un mode de soumission, etc.)

pile de dossiers

Afin d’assurer le bon avancement du projet, la gouvernance du projet s’appuiera principalement sur deux instances : le groupe de travail et le comité de direction. Le groupe de travail regroupe chefs de projets et experts et se réunit sur une base hebdomadaire ; le comité de direction est composé de la direction des entreprises et se réunit sur une base tri-mensuelle, pour les principales étapes de décision du projet.

La définition des instances décisionnelles du projet (groupe de travail et comité de direction) et leur bonne articulation sont cruciales pour la construction d’une demande d’autorisation.

Le choix du mode de soumission, une étape importante de la définition de la stratégie

Deux modes de soumission d’un dossier de demande d’autorisation produit en consortium, sont possibles : la soumission conjointe par plusieurs entités légales distinctes regroupées ou la soumission individuelle par chaque entité légale.

Dans le cas d’un projet mené par un consortium,

  • La soumission conjointe (un dossier unique déposé pour l’ensemble des membres du consortium) permet d’optimiser au maximum les ressources, en produisant un dossier unique pour l’ensemble des membres du consortium ;
  • La soumission individuelle (un dossier déposé par entité légale) permet de capitaliser sur une partie du contenu produit par le consortium, mais nécessite d’être complété par du contenu spécifique à l’entité légale. Ce mode de soumission permet une maîtrise supérieure de la confidentialité du dossier, mais nécessite plus de ressources et implique des frais de redevance ECHA plus élevés.

Le choix du mode de décision n’a pas nécessairement à être fait dès le lancement du projet : il est envisageable de lancer la démarche, la collecte des données et la rédaction du contenu commun puis de définir ensuite si la soumission se fera de façon individuelle ou conjointe. Le choix du mode de soumission est une étape fondamentalement structurante pour la forme et la stratégie du dossier et fait l’objet d’une réunion du comité de pilotage.

 

La production de dossiers de demande d’Autorisation REACH sous la forme d’un consortium sectoriel est tout à fait bénéfique car elle permet une optimisation des ressources et du coût de la démarche pour les entités concernées.

En effet, l’échelle sectorielle paraît optimale pour la réalisation d’un tel dossier dans la mesure où les enjeux en termes de procédés, d’alternatives et d’impacts économiques sont cohérents pour l’ensemble des participants. Dans ce contexte, un consortium sectoriel permet de réunir un nombre relativement restreint d’entreprises et ainsi de produire un dossier présentant de façon fine les spécificités de chaque entité.

L’anticipation des enjeux inhérents à ce type d’organisation permet de lever les potentielles difficultés liées la démarche et d’assurer une participation efficace et maîtrisée de tous les participants.

 

EcoMundo & R2A

EcoMundo est partenaire de la REACH Authorisation Alliance, R2A, une initiative ayant pour but de créer un lieu d’échanges et de réflexions autour des stratégies d’autorisation. Les groupes de travail s’axent sur des substances et des usages spécifiques et l’Alliance se propose d’optimiser les stratégies de demandes d’autorisation, en déposant des dossiers conjoints.

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Pour plus d’informations, n’hésitez pas à contacter Fang Zhou ou bien contact@reach-authorisation-alliance.com !

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